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· DROITS DE L'HOMME EN TUNISIE SLOGANS ET REALITE
 

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Date de création : 11.01.2011
Dernière mise à jour : 12.01.2011
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DROITS DE L'HOMME EN TUNISIE SLOGANS ET REALITE

Publié le 11/01/2011 à 17:02 par matunisie

 

Dr. Sami Nasr

 

 

 

 

"Mon histoire avec Mme Ben Sedrine"

 

 

 

 

 

 

 

 

DROITS DE L'HOMME

EN TUNISIE

SLOGANS ET REALITE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Février 2010

 

 

 


 

 

PREFACE

 

 

"L' IMPERIALISME HUMANITAIRE "

MANIPULATION DU REVE DES PEUPLES

 

 

Par Sahbi Smara

 

L’analyse de la scène politique internationale actuelle donne à constater que l’humanité est entrée dans une nouvelle phase différente de la deuxième moitié du vingtième siècle. Avec la montée en puissance des néo-conservateurs au sein des institutions gouvernementales américaines, les forces colonialistes et impérialistes ont emprunté des voies et méthodes différentes pour réaliser leur politique expansionniste de toujours. Elles s'appuient, désormais, sur leur prépondérance et leur domination structurelle des institutions internationales censées incarner la légalité internationale que ce soit au sein de l'Assemblée générale des Nations unies, au Conseil de sécurité, à la Cour internationale de justice ou dans diverses autres organisations mondiales.

 

Cette instrumentalisation des organisations internationales à des fins égoïstes est lourde de conséquences dommageables. Les organisations créées pour faire respecter le droit international et la justice se sont pratiquement muées en outils du néocolonialisme, agissant tantôt de front, tantôt de façon déguisée, s’attaquant directement à des Etats bien ciblés comme s’ils étaient en mission commandée, ou encore avalisant par leur silence complice des crimes perpétrés contre des peuples entiers, sous prétexte de répandre la liberté, la démocratie et les droits de l'homme.

 

Nous sommes en face d’une contradiction profonde, qui ébranle les fondements mêmes des institutions de la légalité internationale, consacre la realpolitik et les intérêts du plus fort au détriment des valeurs humanistes et éthiques réduites au rang de slogans creux alimentant la rhétorique hypocrite de quelques opportunistes sur les droits de l'homme, la liberté et la démocratie. Une situation d’autant plus navrante, quand on sait que ces mêmes slogans sur les droits de l’homme ont servi de couverture à des guerres sanglantes et à des opérations militaires menées par les pays du nord avec la connivence d'organisations civiles, humanitaires et de droits de l'homme.

 

Sous le couvert de l'aide humanitaire fut justifiée l'intervention militaire américaine en Somalie au cours des années 1990. Sous prétexte de lutte contre les dictatures et de défense des droits des minorités, le peuple irakien fut assiégé et livré aux famines et aux épidémies. Résultat: un Etat en ruines et un peuple dispersé, déchiré par une guerre civile devenue le meilleur marché de consommation d'armes américaines. Les balles de la sédition se sont mêlées aux bombes à fragmentation et aux armes chimiques utilisées pour renverser "le dictateur" et propager la démocratie. Idem pour le peuple afghan qui figure au programme du Département d'Etat américain et du Pentagone comme pays à démocratiser. Le bilan de cette opération de démocratisation par les armes est, lui aussi, négatif. Le peuple afghan est aujourd’hui en proie à la violence et acculé à se réfugier dans les grottes de montagne refusant à la fois l'obscurantisme Taliban et les prétendues lumières de la civilisation américaine. De même, sous prétexte de protéger les minorités ethniques et religieuses du Kosovo, les troupes de l'OTAN ont commis des crimes épouvantables passés sous silence par la communauté internationale.

 

La liste ne s'arrête pas là. Le Soudan, qui s'est révolté contre la loi des intérêts américains en concluant des transactions d'investissement chinois dans les domaines du pétrole et de l'énergie, vit sous la direction d'un président assiégé contre qui a été émis un mandat d’arrêt international. Quant au Yémen, à peine a-t-il récupéré un tiers de son territoire qu'il voit les deux autres tiers sombrer dans un tourbillon de violence entretenu par des forces occultes qui ne veulent pas voir le peuple yéménite exercer pleinement sa souveraineté.

 

Assurément, les valeurs humaines ont été traînées dans la boue des conflits politiques durant la guerre froide entre les blocs de l'est et de l'ouest. Mais, la fin de la guerre froide et des conflits menés en son nom n’a pas pour autant entraîné la fin des violations des droits humains. On pourrait même avancer que ces violations sont devenues encore plus graves, parce que plus perfides : on manipule la question des droits de l’homme pour couvrir les pires exactions, et on mène même, au nom des droits de l’homme, des guerres au cours desquelles les droits les plus élémentaires sont piétinés, dans l’indifférence de la communauté internationale. Les droits de l'homme sont devenus un cheval de bataille pour le néo-colonialisme qui, avec la collusion active ou passive de différentes parties prenantes dont certaines organisations de la société civile, continue à échafauder des plans pour confisquer les libertés des autres peuples sacrifiées sur l’autel des intérêts mercantiles des puissances impérialistes.

 

Ces parties prenantes, Conor Foley en a longuement parlé dans son livre intitulé « The Thin Blue Line : How Humanitarianism Went to War »[1], dévoilant les pratiques hypocrites auxquelles se sont associées des organisations humanitaires internationales au service de projets impérialistes. Dans cet ouvrage, des organisations, avec leurs experts, leurs journalistes, leurs activistes et leurs collaborateurs, sont ainsi comparées aux groupes de sociétés "Blackwater" de tueurs à gages !

 

Ce sont des organisations humanitaires qui ont joué le rôle de neutralisation de la proie à abattre et ont assumé des missions de démolition médiatique contre un certain nombre de sociétés et de pays en vue de faciliter les interventions impérialistes. Dans ce but, elles ont dressé des pays ciblés un tableau effroyable où règnent le chaos, la destruction et l'oppression; elles ont établi leurs rapports de condamnation sous les signatures de l'action humanitaire et des droits de l'homme. Et après les interventions militaires en Somalie, en Serbie, en Afghanistan et en Irak, leur rôle s'est limité à dénombrer les victimes des guerres modernes de "libération".

 

L'ancien Secrétaire d'Etat américain Colin Powella déclaré pendant la double guerre contre l'Afghanistan et l'Irak que les organisations humanitaires constituaient une force d'appui aux Etats-Unis d'Amérique et faisaient partie de leurs mécanismes de défense. « J’entends réellement m’assurer, disait-il, que nous avons les meilleures relations avec les ONG, qui sont un tel multiplicateur de forces pour nous, une part si importante de notre équipe de combat.(…), disait-il. Car (nous) sommes tous engagés vers le même but singulier, aider chaque homme et chaque femme dans le monde qui est dans le besoin, qui a faim (…), donner à tous la possibilité de rêver à un avenir qui sera plus radieux » (Colin Powell, conférence à Washington, 26 octobre 2001, cité par Rony Brauman, « Mission civilisatrice, ingérence humanitaire », in Le Monde Diplomatique, septembre 2005). Cette collusion entre ONG humanitaires et gouvernements impérialistes est bien mise en évidence par le cas suivant : une journaliste tunisienne[2] avait publié un livre en 2003 dans lequel elle évoquait la disparition de son amie irakienne opposante au régime de Saddam Hussein. Elle avait fait imprimer son livre à un moment décisif où explosaient les missiles américains dans les rues irakiennes, décrivant la situation humanitaire affreuse que vivait Irak sous le régime de Saddam Hussein. Le livre tombait, pour ainsi dire, à pic, comme pour mieux justifier les bombardements américains indiscriminés. L’auteur n'a toutefois pas jugé utile de décrire les exactions perpétrées sous l'occupation américaine, préférant le silence, moyennant sans doute finance, à la lutte pour le respect des droits de l'homme par tous les pays. La question de savoir selon quels critères juridiques le despotisme de l'ancien régime irakien est classé comme violation des droits de l'homme alors que les tueries, les déplacements forcés de populations, et les viols collectifs perpétrés sous l'étendard de la libération américaine sont ignorés, reste à ce jour sans réponse convaincante de la part d’organisations disant défendre l’universalité des droits de l’homme.

 

Il ne se passe aucune guerre coloniale -par essence dénuée de tout fondement légal, humanitaire et moral- sans que nous n’y trouvions une participation structurelle d'organisations de la société civile. L'action de ces dernières s'est transformée en un nouveau rituel destiné à préparer le terrain médiatique approprié pour tromper l'opinion publique populaire qui, spontanément et a priori, rejette toute forme de guerre coloniale. Il s'agit, pour ces organisations, de présenter les pays ciblés comme étant pires que l’enfer, de façon à justifier une intervention armée des Etats-Unis et de leurs alliés. Le fait est que ces interventions, parées du manteau de l’humanisme et de la démocratie, ne servent en réalité que les intérêts des grandes puissances. Le journaliste et auteur américain, David Rieff l’a bien démontré dans son livre (« A Bed for the Night. Humanitarianism in Crisis », 2002, New York, Simon &Schuster traduit vers le français par Sylviane Lamoine, Le Serpent à Plumes, Paris, 2003) : « Les organisations d’aide d’urgence se font de plus en plus les sous-traitants des puissances occidentales ».

 

A titre d’exemple, l'organisation « Médecins Sans Frontières », fondée entre autres par l’actuel ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner,fut un partenaire particulièrement docile d'une intervention militaire éhontée en Serbie et en Somalie dont les desseins cachés, à mille lieux de la défense des droits humains, n’échappent à personne de sensé.

 

Le Darfour constitue, également, un cas d’école du dévoiement de l’humanitaire. C’est dans cette région en crise du Soudan qu'ont été dactylographiés les rapports multipliant par dizaines le nombre des victimes du conflit dans le but d’en faire coûte que coûte un génocide. Il est aujourd’hui avéré que l'objectif réel de ceux qui interviennent au Darfour est moins l’assistance aux victimes du conflit que le renversement du régime politique en place à Khartoum et la déstabilisation des institutions de cet Etat en vue de permettre aux Américains de prendre possession de ce pays où l’abondance des puits pétroliers suscite toutes les convoitises. Pendant que se livrent ces combats pour le contrôle du pétrole soudanais comme jadis le pétrole irakien, les populations que les organisations humanitaires sont censées sauver, continuent de vivre dans la précarité et l’incertitude du lendemain.

 

Dans son ouvrage "L’impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ? », Jean Bricmont, physicien et sociologue belge, dévoile quelques aspects de la perversion de l’humanitaire et de la cause des droits de l’homme. On peut y lire notamment, ces passages édifiants : « Il n’y eut pratiquement pas d’opposition à la guerre à la Yougoslavie en 1999, qui fut la guerre « humanitaire » par excellence, et très peu lors de l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Il est vrai qu’il y a eu des manifestations gigantesques, uniques dans l’histoire et porteuses d’espoirs certains, contre la guerre en Irak. Mais il faut reconnaître qu’une fois la victoire proclamée par l’administration Bush, les opinions publiques, en Occident du moins, sont devenues relativement muettes, alors que continuent en Irak des combats qui sont loin d’être d’arrière-garde.

De plus, Fallujah a été un Guernica sans Picasso. Une ville de 300 000 âmes privée d’eau, d’électricité et de vivres, vidée de ses habitants qui sont ensuite parqués dans des camps. Puis le bombardement méthodique, la reprise de la ville, quartier par quartier. Quand un hôpital est occupé, le New York Times justifie cela en disant qu’il servait de centre de propagande, en gonflant le chiffre des victimes. Justement, combien y a-t-il de victimes de la guerre en Irak ? Nul ne le sait, on ne fait pas de body count (pour les Irakiens). Quand des estimations sont publiées, même par les revues scientifiques les plus réputées, telles le Lancet, elles sont dénoncées comme exagérées.

 

Face à cela, combien de protestations? Combien de manifestations devant les ambassades américaines ? Combien de pétitions pour appeler nos gouvernements à exiger des États-Unis qu’ils arrêtent ? Combien d’éditoriaux dans les journaux qui dénoncent ces crimes ? Qui, parmi les partisans de la « société civile » et de la non-violence, rappelle que les malheurs de Fallujah ont commencé lorsque, peu après l’invasion, ses habitants ont manifesté pacifiquement et que les Américains ont tiré dans la foule, tuant 16 personnes ? Il n’y a pas que Fallujah ; il y a aussi, entre autres, Najaf, Al Kaïm, Haditha, Samarra, Bakouba, Hit, Bouhriz”.

Comme il fallait s’y attendre, cette dénonciation de la face néocolonialiste et mercantiliste de certaines ONG muées en firmes mondiales de propagande et de promotion des intérêts de leurs gouvernements a été mal accueillie par les « soldats » de l’humanitaire et les « activistes des droits de l’homme »qui y ont vu dans un danger pour la poursuite de leurs activités prétendument humanistes mais fortement lucratives en réalité.

 

Les activistes des droits de l'homme ont, dans les cas cités plus haut comme dans d’autres, tout mis en œuvre pour se fabriquer une image respectable auprès de l’opinion, alors qu’ils sont financés par les mêmes caisses que les compagnies Blackwater et un certain nombre de personnes auxquelles sont confiées les missions d'exacerber les dissensions sectaires en Irak, ethniques en Somalie et tribales au Yémen.

 

A un moment où les écoles de la gauche démocratique et socialiste vacillent entre les sentiments de lassitude et d'impuissance et le chant entraînant des sirènes de l'argent roi du monde libéral, nombre d’associations des droits de l'homme, des organisations de secours et des réseaux médiatico-idéologiques se sont transformés en véhicules de la pensée dominante et en valets actifs ou passifs de l'impérialisme. Beaucoup d’entre eux n’ont pas hésité à se muer en exécutants de programmes interventionnistes violant la souveraineté des peuples, des Etats et des régimes. En fait, une grande partie de la gauche classique, qui doit à l'école socialiste et à Vladimir Lénine[3] d'avoir mal appris leurs slogans,s'est ralliée, à son tour, au service de ce processus qui déforme les principes humanitaires et dégrade les valeurs.Le plus affligeant, c’est de voir les mouvements progressistes sensés défendre les libertés et le progrès humain rentrer dans les rangs pour cautionner des postures réactionnaires. Jean Bricmont le déplore dans son livre :

“Toute idée, aussi légitime soit-elle, court le risque d’être transformée en idéologie et d’être utilisée par les pouvoirs en place à des fins qui leur sont propres. C’est ce qui arrive avec l’idée de la défense des droits de l’homme lorsqu’elle se transforme en légitimation de l’ingérence militaire unilatérale et qu’elle appuie le rejet du droit international.

Pendant la période coloniale, la domination occidentale sur le monde a été justifiée par le christianisme ou par la " mission civilisatrice " de la République. Après la décolonisation et la fin de la guerre du Vietnam, c’est un certain discours sur les droits de l’homme et la démocratie, mêlé à une représentation particulière de la Deuxième Guerre mondiale, qui a rempli ce rôle.

Cette idéologie a réussi à mystifier et à affaiblir les mouvements progressistes ou pacifistes qui cherchent à s’opposer aux agressions occidentales et aux stratégies de domination. Elle est une sorte de cheval de Troie idéologique de l’interventionnisme occidental au sein des mouvements qui lui sont en principe opposés. De plus, elle contribue à faire oublier aux mouvements altermondialistes que l’ordre socio-économique profondément injuste qu’ils combattent est soutenu en fin de compte par la puissance militaire américaine”.

 

En effet, la démission des élites "gauchistes" et "progressistes" et des marionnettes de la lutte humanitaire a généré un confusionnisme dangereux dans la conception même de la lutte de libération nationale pour la souveraineté des peuples. La «gauche» d’aujourd’hui a aliéné le principe de soutien aux causes de libération et de rejet de l'impérialisme ainsi que l'empathie historique envers les opprimés, les réprimés et les dépossédés. A ces principes, elle a substitué l'allégeance opportuniste aux réseaux de supercherie humanitaire qui s’emploient à endormir les peuples avec des discours séduisants et quelques actions d’éclat, tout en taisant la réalité du combat historique contre le vieux colonialisme renouvelé. Contre toute attente, une grande partie de la "gauche" s'est transformée en alliée des banques du capitalisme international; ou encore en agents de renseignements chargés de rédiger des rapports biaisés, lesquels sont ensuite utilisés comme justificatifs aux forces impérialistes pour entreprendre des campagnes de "libération". Finalement, au lieu de libérer les peuples prétendument asservis, ces campagnes militaires vont plutôt renverser et les peuples et les régimes pour installer des gouvernements fantoches et morceler les pays en "zones vertes" où vivent des "gouvernants" véritables proconsuls installés sous la protection, et au service des forces d’occupation qui les protègent contre des « zones noires » carbonisées par les bombes de la liberté.

Au sujet de la démocratie qui était sensée s’établir en Irak, voici ce qu’en dit un auteur européen :«On ne s’interroge pas sur la nature de la démocratie qui s’installe en Irak. Si on excepte la cabine électorale, y a-t-il une représentation politique des différents intérêts ? Y a-t-il une représentation politique des idéologies différentes, des groupes sociaux différents ? Quels ont été les divers programmes politiques ? Y a-t-il des élites « politiques » en formation, au-delà de liens tribaux et religieux ? S’il y en a, ont-elles eu accès à l’exercice de la démocratie ?En réalité, les États-Unis, en valorisant à outrance le critère ethnico-confessionnel, en choisissant de favoriser l’antagonisme entre chiites et sunnites au profit des premiers, ont tout fait pour empêcher l’émergence de partis nationaux et inter-ethniques. Ils ont mis hors jeu tous ceux qui ont une identité mixte et, en refusant d’accorder aux sunnites les garanties démocratiques d’expression, ils ont empêché la création d’une assemblée représentative de toutes les tendances et de toutes les régions. Ils ont créé les conditions d’une guerre civile en Irakisant la guerre, mais aussi en maintenant leur contrôle de fait sur la sécurité, sur les richesses pétrolières, sur l’économie du pays. Autre chose qu’une stratégie de fin de la guerre et de construction nationale démocratique. Tant il est vrai que guerre et démocratie ne se marient pas facilement ».

L’alliance inattendue de l’humanitaire et du militaire est bien explicitée par un autre auteur, Mohamed Belaali qui écrit, dans « Le grand Soir » : « L’humanitaire et la guerre sont deux moyens contradictoires mais complémentaires avec un seul objectif : servir les intérêts des classes dominantes. Il est difficile de distinguer clairement l’humanitaire du militaire tellement les deux instruments sont imbriqués l’un dans l’autre. On fait la guerre au nom de l’humanitaire et on invoque l’humanitaire pour justifier la guerre. Mais l’humanitaire reste souvent subordonné au militaire ». En définitive, analyse-t-il, « le droit d’ingérence, sous des prétextes humanitaires, permet et facilite l’ingérence impérialiste. Le droit d’ingérence est le droit du plus fort. Seuls les Etats les plus puissants peuvent intervenir et envahir militairement les pays pauvres sous la bannière humanitaire pour mieux piller leurs richesses ». Une situation facilitée, poursuit l’auteur, par la dépendance de la plupart des ONG vis-à-vis de l’aide financière de leurs gouvernements : « La plupart des ONG humanitaires dépendent financièrement de leurs propres Etats, des instances européennes comme le service d’aide humanitaire de la Commission européenne (DG-ECHO) ou des institutions internationales (…). Et même lorsque ces ONG et associations sont financées essentiellement par des fonds privés comme c’est le cas de Médecins sans frontières », Médecins du Monde, la fédération internationale de la Croix Rouge, Action contre la faim etc. l’influence de l’Etat reste déterminante ne serait-ce qu’à travers les très généreuses exonérations d’impôts liées aux dons ».

 

Nous assistons aujourd’hui à un spectacle ambigu où se mêlent slogans et valeurs humanitaires et visées impérialistes. Que faire ? Continuer à assister, passifs, à la dénaturation des causes humanitaires, pour ne pas être taxé d’ennemi des droits de l’homme ? Ou dénoncer ces agissements qui au final servent mieux les intérêts impérialistes et courir de ce fait, le risque d’une cabale médiatique des milieux droit-de-l’hommistes qui disposent de puissant réseaux comme décrit plus haut ?

A la question “Faut-il pour autant renoncer à défendre les valeurs de libertés et de démocratie ?” que lui posait un journaliste, voici la réponse donnée par l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine: “Bien sûr que non. Mais il faut accepter que le respect des droits de l’homme, tout comme la démocratisation viendra d’abord de l’intérieur. On ne peut pas toujours juger le monde extérieur en oubliant notre propre histoire. Le niveau des droits de l’homme, dans nos sociétés occidentales, s’est élevé peu à peu. Tout est dans Zola, dans Dickens ! L’Etat de droit que nous passons tant de temps à vanter s’est construit petit à petit. Ayons le courage de reconnaître que nous n’avons pas la solution magique pour transformer de suite l’énorme Chine en un nouveau Danemark ! Je pense de même pour la démocratisation. J’ai eu, sur ce sujet, de longues conversations avec Madeleine Albright [l’ex-secrétaire d’Etat américaine, sous Bill Clinton]. La démocratisation est un cocktail explosif : on ne peut pas l’imposer en faisant le siège des pays arabes comme au Moyen Age. Cette prétention occidentale est bâtie sur un mensonge, sur une illusion qui, au fond, conduit au découragement. A force d’en faire un sacro-saint principe, on détruit peu à peu l’idée de démocratisation. Je le dis d’autant plus que beaucoup de ces idées sont nées à gauche. Mais regardons le monde : à quoi aboutit-on ? A sans cesse poser la question : « Que fait la communauté internationale ? » Et à répondre : « Elle ne fait rien. ».

Il est évident qu’un retour au réalisme et à la raison s’impose. La démocratie est un processus de construction interne et ne peut être imposée de l’extérieur. Bâtir une démocratie viable ne peut se faire que de façon endogène, par des peuples souverains dans des Etats eux-mêmes souverains et exerçant la plénitude de leurs fonctions régaliennes et sociales. Les sociétés civiles de nos pays sont peut-être encore jeunes, mais pour grandir et servir la cause de la démocratie et des droits de l’homme, elles ont besoin d’inventer, de tracer elles-mêmes leur chemin. Les ingérences extérieures aussi bien intentionnées soient-elles, ne peuvent guère remplacer la nécessaire appropriation par les organisations de la société civile de leur processus d’évolution et de maturation.

« La démocratie, écrit Sandrine Tolotti, ne s'exporte pas; ou guère; ou mal. Le libéralisme politique est d'abord le fruit de la lente maturation des sociétés: la structure économique d'un pays, sa trajectoire historique, sa culture juridique jouent bien plus que l'aide étrangère sur les changements de régime. A fortiori quand la quasi-totalité des programmes d'aide à la démocratie reposent sur des présupposés théoriques ne correspondant guère aux réalités du crû » (Sandrine Tolotti, « Peut-on exporter la démocratie ? », in Alternatives internationales, n°30, mars 2006). La réalité de l’expérience démocratique est implacable : impossible de façonner les peuples à sa propre image, impossible de faire le bonheur des peuples sans eux.

 

La démocratie va de pair avec les affirmations identitaires et nationalistes, et le processus démocratique est du ressort de l’Etat libre et de ses citoyens libres et aucun autre Etat si convaincu soit-il de ses avancées démocratiques ne peut s’arroger unilatéralement le droit d’imposer son modèle politique ailleurs. Notre région arabe et notre continent africain comme d’autres contrées notamment en Amérique latine foisonnent d’exemples de déstructurations sociales et de désintégrations politiques causées par des transpositions aventureuses de systèmes politiques d’un Etat dans un autre. La démocratie prêt-à-porter n’est, au mieux, qu’une illusion souvent meurtrière.

 

Les déviances et autres contradictions inhérentes à l’action humanitaire contemporaine sont toutefois loin d’être insurmontables. Il est possible de faire l’humanitaire sans arrière-pensée colonialiste. Il est tout autant possible de promouvoir et de défendre les droits humains avec une réelle efficacité : pour cela, il conviendrait sans doute, de revenir à une culture humanitaire arrimée à l’humanisme et rétive aux sirènes du business. « Il faut, soulignait l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine (Op.cit), que les ONG occidentales acceptent de reconnaître qu’elles ne parlent pas au nom de la société civile mondiale, mais de certains milieux européens ou américains.

 

Le présent livre est un exemple vivant des déviations qui minent les milieux de la défense des droits de l’homme en Tunisie et des collusions internationales qui, en cautionnant des pratiques peu recommandables de certains défenseurs des droits de l’homme ternissent l’image de quantité d’autres militants des droits humains et fragilisent la société civile démocratique.

Le témoignage apporté par Sami Nasr, sociologue tunisien et travailleur humanitaire disposant d’une solide expertise en matière d'action humanitaire pour y avoir participé pendant de longues années, est particulièrement instructif. L’auteur raconte, avec force détails et faits aisément vérifiables, son parcours commencé dans l’enthousiasme d’une rencontre avec une « grande militante » tunisienne des droits de l’Homme et contrarié chemin faisant par les tartufferies et les postures contradictoires de cette dernière. La force de l’auteur réside dans son aptitude à transcender ce cheminement personnel pour offrir, au-delà, un aperçu des dégâts que peut engendrer l’utilisation de la rhétorique des droits de l’homme à des fins contraires aux desseins officiellement déclarés. Ce livre/témoignage est une illustration des infiltrations dangereuses qui dénaturent le combat légitime pour les droits de l’homme et menacent l’autonomie des organisations de la société civile. L’auteur dévoile les moyens d'action de ces militants-prédateurs des droits de l’homme qui excellent dans l’art d'exploiter des valeurs nobles à leur unique profit, et font montre d’un opportunisme des plus répugnants, où l’éthique est ravalée au rang de simple faire-valoir.

 

Projets bidon pour collecter des subventions d’organisations étrangères, mise en place de réseaux opaques de détournements, mauvais traitements envers les travailleurs, ce sont de véritables toiles d'araignée qui ont été ainsi tissées par un petit groupe d’individus avec le concours actif ou passif d’Ong internationales. Les fils conducteurs de ces toiles permettent à des responsables politiques de gouvernements étrangers de s’allier avec des activistes "humanitaires" dans le but de prendre la société civile tunisienne en otage.

 

 

Le livre de Sami Nasr est aussi un exemple de courage. Le chercheur n’hésite pas, au contraire d’autres, à reconnaître qu’il s’est trompé. Ayant découvert à quel point il avait été manipulé et avait servi de simple pion à une « activiste » très active dans le business de l’humanitaire, le jeune chercheur a pris la décision qui s’imposait à l’homme de conviction qu’il est : cesser d’être un maillon consentant d’un système ignoble d’enrichissement personnel bâti sur le dos des droits de l’homme et le mensonge permanent au sujet des réalités de son pays. Croyant défendre les droits de l'homme, Sami Nasr ne faisait en réalité qu’accroître le patrimoine de son employeuse, promotrice de projets "humanitaires" factices mais fortement lucratifs.

 

Ce livre est un témoignage palpitant de simplicité, de spontanéité et de sincérité, qualités frappantes de son auteur. C’est une mine d’enseignements pour toute une génération de jeunes Tunisiens, qui disposent désormais de suffisamment d’éclairages pour s’engager dans la vie associative avec davantage de lucidité et de raison critique. Entre le silence complice et la révolte personnelle, Sami Nasr a choisi simplement le refus de l’imposture et la restauration de l’éthique humanitaire. Puisse son livre contribuer à une véritable « renaissance » de l’humanisme authentique et à l’émergence de défenseurs des droits humains intègres, ayant une claire conscience de leurs responsabilités à la fois militantes et nationales, et opposés à toute marchandisation du combat pour les droits de l’homme.

 

Tunis, février 2010

Journaliste et écrivain tunisien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

Le présent livre retrace des événements spécifiques résumant une expérience dans le domaine de la défense des droits humains qui m'a associé à Mme Sihem Ben Sedrine, l'activiste tunisienne des droits de l'homme. J'ai travaillé avec Mme Ben Sedrine pendant plus de sept ans comme chercheur permanent au Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) pour un salaire modique, et comme journaliste au magazine électronique "Kalimat Tunis (La Parole de Tunisie)" à titre gratuit. Après toutes ces années de sacrifices, je me suis trouvé dans l'obligation d'abandonner cette expérience, en raison des multiples formes d'oppression et d'injustice qu'elle m'avait infligées, comme la privation de mes droits les plus élémentaires.

 

Il peut paraître difficile de présenter soi-même, dans les détails, une partie de sa vie, hors des contextes littéraire et artistique, notamment du genre autobiographique. Mais un besoin au plus profond de moi-même m'a amené à prendre le risque d'une présentation documentaire de mon expérience, que je considère comme un travail à deux dimensions. La première se rapporte à mon attachement systématique à la transparence et à la clarté ainsi qu'au désir d'obtenir un certain degré de détente psychique pareille à la sensation euphorique que l'on éprouve fréquemment dans l'écriture poétique et philosophique. La deuxième dimension est d'ordre documentaire et sociologique et consiste à présenter une expérience vécue relative à l'activité humanitaire et politique en Tunisie, dans le but de contribuer à instaurer la transparence dans cette activité et ainsi éviter que d’autres connaissent les déboires que j'ai subis durant mes années de travail dans ce secteur.

 

Ce témoignage est aussi une révolte contre le silence qui souvent empêche la manifestation de la vérité. Il constitue également de ma part un acte de fidélité aux valeurs des droits de l'homme pour qu'elles ne soient plus utilisées comme masque par les faux prophètes. J'ai gardé le silence pendant près de deux ans. Mais, à bout de patience, j'ai décidé de dévoiler les diverses formes d'oppression auxquelles j'avais été soumis. J'ai décidé de faire tomber les masques de l’imposture et de montrer le vrai visage de cette "femme-symbole" qui tantôt s'érige en porte-parole irremplaçable des défenseurs des droits de l'homme en Tunisie, et tantôt se présente comme victime de l'oppression en raison de "son activité humanitaire et des droits de l'homme". Tout cela dans le but d'obtenir, de diverses parties étrangères, davantage de financements.

 

Le silence n’est pas la solution…

 

Dès que j'ai pris la décision de rompre ce silence, nombre d'amis, de journalistes et de membres de la société civile m'ont confronté à cette question: "pourquoi avoir gardé le silence si longtemps et pourquoi avoir refusé, à plus d’une reprise, d'apporter ce témoignage ? Y aurait-il eu récemment de nouveaux éléments qui aient poussé à changer d'avis?

 

Ma réponse a été la suivante: C'est vrai, il y a eu des faits nouveaux qui m'ont convaincu que le silence face à la violation de l’éthique des droits de l’homme par celle même qui s’en voulait le chantre n’était pas la solution. Malgré toutes les pressions et les menaces dont j'ai fait l'objet dès l’ébruitement de mon projet de livre, de la part de ceux que je prenais jusque-là pour de grands militants des droits de l’homme, j’ai décidé d’aller jusqu’au bout.

 

Il faut dire que la première raison qui m'avait amené à retarder la publication de ce témoignage tient au fait que je faisais confiance aux membres du Conseil national des libertés (CNLT, l’organisation fantoche de Mme Ben Sedrine). En fait, je comptais leur présenter tous les documents et pièces à conviction démasquant cette dame, dès le premier congrès de l’organisation à Tunis, qui aurait été pour moi l'occasion de déposer une motion de censure à son égard.

 

Mais, flairant le danger, Mme Ben Sedrine usera de sa malveillance et de sa fourberie habituelles pour tenir le congrès du CNLT en décembre 2008 non pas en Tunisie, mais au Maroc, après avoir pris le soin de sélectionner soigneusement les personnes à inviter, leur offrant billet d'avion et prise en charge, et excluant tous ceux qui ne lui obéissaient pas au doigt et à l’œil. Naturellement, j’en fus exclu, puisque revendiquant mes droits et ma liberté de pensée, tout comme le furent d’autres militants aux idées jugées dérangeantes tels Dr Salah Hamzaoui, Ahmed El Maaroufi, Fayçal Charrad, Najib Hosni et bien d'autres encore.

 

La deuxième raison de mon attitude passée, est liée à un incident navrant survenu récemment. L'organisation "Front Line" (une organisation créée en 2001 à Dublin pour protéger les défenseurs des droits de l’homme) m'avait invité à participer à un atelier sur les défenseurs des droits de l'homme au Caire les 2 et 3 décembre 2009. J'avais accepté l'invitation et pris toutes mes dispositions pour le voyage, y compris les formalités de visa et diverses autres commodités de voyage. L'organisation avait réservé à mon nom une chambre d'hôtel où je devais descendre et m'avait fait parvenir un billet d'avion.

 

Mais au dernier moment, le représentant de Front Line, M. Vincent Forest, m'informera de ce que Mme Ben Sedrine s'était opposée catégoriquement à ma participation sous prétexte que je n’étais pas un militant des droits de l'homme du moment où j'avais été expulsé du CNLT. Nonobstant le fait que je m'étais présenté à Front Line en qualité de membre d'une autre organisation dont elle n'est pas du tout membre, et malgré le fait que je sois journaliste de profession et chercheur spécialisé dans le domaine des droits de l'homme, je me voyais désormais dénier la qualité de défenseur des droits de l’homme comme si ne possédaient cette qualité que les personnes ointes par Mme Ben Sédrine. Ma réaction à cette monstruosité fut de dire que, si la notion même de défenseur et d'activiste des droits de l'homme nécessitait l'assentiment de Mme Bensedrine et dépendait du bon vouloir de cette dernière, il n’ y aurait plus rien de bon à attendre ni d'elle ni des organisations soumises à sa tyrannie.

 

J'avais alors demandé à cette organisation, en tant que défenseur des droits des défenseurs des droits de l’homme, d'ouvrir un dossier à ce sujet et de former un comité indépendant qui prendrait contact avec toutes les parties concernées en vue d'établir la vérité sur le différend survenu mon ex-employeuse et moi. J'avais même proposé des noms de militants qui travaillent jusqu'à ce jour au sein du CNLT et qui ont été témoins oculaires de ce qui s'est passé exactement. L'organisation "Front Line" a approuvé ma demande et ses responsables m'ont promis de dépêcher à Tunis une délégation à cet effet. Mais il semble que le responsable chargé de l'enquête ait alors contacté Mme Ben Sedrine pour l'informer des démarches en cours, ce qui a fortement irrité la « grande militante » l’amenant à déclencher contre moi une campagne abjecte de diffamation.

 

Par ce livre, j’entends dire la vérité au sujet d’un personnage qui n’utilise les droits de l’homme que comme un paravent pour assouvir ses propres intérêts. J’entends aussi me racheter des méfaits que j'ai commis contre moi-même et contre ma patrie, en travestissant continuellement la vérité juste pour permettre aux projets de Mme Ben Sedrine de trouver des financements extérieurs conséquents. Je voudrais également, par le présent témoignage, me libérer du silence coupable qui a permis à un tel personnage de vivre aux dépens de la noble cause des droits de l'homme et d’exploiter sans vergogne des jeunes gens au chômage pour se remplir les poches, tout en se taillant, par la fourberie et la supercherie, une image usurpée de symbole de la défense des opprimés et des persécutés dans notre pays, et sans qu’il ne vienne à l’idée de personne de lui demander des comptes sur ses violations des droits des travailleurs et son mépris pour les règles de bonne gouvernance.

 

Voilà donc autant de raisons qui m’ont poussé à écrire ce livre. En dépit des vexations et des humiliations que j’ai endurées de la part de Mme Ben Sedrine, j’ai veillé à écrire ce livre sans aucun esprit de vengeance personnelle car, au-delà de ma personne, c’est l’ensemble de la société civile tunisienne où militent pourtant quantité d’hommes et de femmes sincères et engagés, qui risque, si le déviationnisme de Mme Ben Sedrine devait perdurer, de voir son image considérablement ternie et son noble combat fortement entravé. Mon expérience personnelle avec Mme Ben Sedrine n’est en réalité, comme je vais le démontrer tout au long des pages qui suivent, qu’un aspect de l’étendue des forfaitures de la « grande impératrice » des droits de l’homme. Le présent témoignage remplit toutes les conditions d'objectivité et de transparence. Et je mets au défi, Mme Ben Sédrine ou tout « mercenaire » qu’elle chargerait de répondre au contenu de ce livre, de prouver l'existence dans ces lignes d’une seule erreur ou falsification du moindre détail de la réalité.

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Première rencontre

 

Ma première rencontre avec Mme Sihem Bensedrine date de mai 2001. C’était lors d'un symposium sur le thème: "La prison et la torture", tenu au siège de la branche de Tunis de l'organisation Amnesty International. A cette réunion où étaient présents Mme Bensedrine et son mari Ammar Mestiri, Dr Moncef Marzouki et d'autres personnalités bien connues du monde des droits de l'homme, je devais présenter un exposé sur la torture du point de vue de la sociologie carcérale. Sitôt mon exposé achevé et après avoir répondu aux questions des participants, je me suis retrouvé en face de Mme Bensedrine qui m’attendait. Elle me témoignera son admiration pour cet exposé et me demandera de fixer une date en vue d'une entrevue dans son bureau au siège du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT) à Tunis. Elle me demandera, par la même occasion, d'apporter avec moi, lors de ce rendez-vous, un exemplaire de mon mémoire de Diplôme d'études approfondies (DEA) intitulée: Essai de sociologie de la vie carcérale: étude sur le terrain relative à la prison civile de Tunis". J'étais très content de cette rencontre, d’autant plus que Mme Bensedrine avait promis de publier ma thèse.

 

A partir de ce moment s'est établi entre nous un rapport d'amitié et de respect. Au début, elle m'avait proposé d'adhérer au CNLT, ce que j'avais promptement accepté, impressionné que j'étais alors par le discours audacieux de cette femme et de son organisation, concernant les causes justes. J'étais d'autant plus fier que mon adhésion au CNLT avait été recommandée par elle et par son mari.

 

Quelques jours après, elle me demandera de travailler avec elle au sein du CNLT, comme chercheur permanent pour un salaire de 200 dinars à mi-temps, tout en m'assurant que les heures de travail requises ne dépassaient guère trois par jour et que le montant proposé pouvait être augmenté pendant les mois suivants (le poste avait été initilament proposé à M. Lotfi Hidouri qui l'avait refusé pour des raisons que j'ignore). Mme Ben Sedrine était alors le porte-parole officiel du Conseil et avait pleins pouvoirs. Elle me proposera aussi de collaborer avec elle à la revue électronique "Kalima", mais en tant que pigiste. Nous avons ainsi commencé à travailler ensemble et je n'avais rien vu de désobligeant à mon égard ni de sa part ni de celle de son mari. Bien au contraire, je me rappelle encore les 100 dinars qu'elle m'avait offerts comme cadeau de Nouvel An, et les 100 dinars qu'elle m'avait également donnés à l'occasion de la naissance de ma fille "Ramah". Elle m'avait, en outre, payé à trois reprises les piges d’articles que j'avais écrits pour sa revue, avant de cesser ^par la suite de me payer cette partie du travail sous prétexte qu'il n'y avait pas de revenus ni de moyens de financement. J'ai travaillé avec elle en tant que journaliste durant cette période et jusqu'à début février 2008, sans être rémunéré. Cela ne m'avait pas inquiété, du reste, parce que je ne savais rien des financements qu'elle recevait. Et comme elle m'avait juré maintes fois que, malgré tous les efforts qu'elle déployait, elle n'avait pu obtenir que le salaire de Lotfi Hidouri, je n’avais aucune raison de douter de sa parole, croyais-je.

 

La situation s'améliore…mais

 

Quelques mois après la nomination de Me Najib Hosni "à la tête" du CNLT en qualité de porte-parole, Mme Sihem Bensedrine décide d'améliorer ma situation professionnelle et matérielle en m'offrant de travailler à plein temps, en fixant à 6 heures par jour la durée de mon travail et en doublant mon salaire qui s’élevait désormais à 400 dinars par mois. Ensuite son mari, en tant que Secrétaire général du CNLT, s'est chargé de soumettre cette proposition, ou plutôt cette décision, au Comité de liaison, qui l'a entérinée. Il semble que M. Najib Hosni n’était pas du tout au courant des financements qu'obtenait Mme Bensedrine. Je suis d’autant plus fondé à le croire, qu’à une réunion du Conseil, il avait exprimé, avec beaucoup de courage et de franchise, son refus de principe de tout financement étranger, quelle que soit son origine, invoquant toujours le scandale de l'activiste égyptien des droits de l'homme, Saad Eddine Ibrahim. Il faut reconnaître aussi qu'il ne s'est jamais départi de cette position à toutes les réunions où a été soulevée la question du financement. Du reste, son opinion a toujours été partagée par M. Ahmed Samii. Et ceci est peut-être la cause principale de son différend, par la suite, avec Mme Bensedrine et son époux.

 

 

En tout état de cause, Me Hosni a prouvé qu'il était capable de pourvoir à toutes les dépenses du Conseil à partir des donations faites par ses membres et par ses partisans dans la société civile. Il s'est mobilisé à cet effet et les avocats ont joué un rôle primordial durant les premiers mois de sa présidence en apportant leur soutien au Conseil pour assurer la continuité de ses activités. M. Hosni collectait ces donations et les remettait à M. Abdessattar Ben Frej, Trésorier du Conseil à cette époque. Au cours des mois suivants, le CNLT connaîtra une crise financière aiguë qui a commencé par l'abandon de son local de Maakal Ezzaïm faute d'argent pour payer le loyer qui était alors de 500 dinars par mois. La crise s'est ensuite aggravée à tel point que le CNLT s'est trouvé dans l'incapacité de payer mon salaire que je ne recevais plus que par tranches. Je me souviens qu'un jour, Me Najib Hosni m'a payé, de sa poche, la moitié de mon salaire. Il en a demandé le remboursement par la suite, mais il attend toujours. Ce qui est frappant dans cette affaire, c'est que Mme Bensedrine avait refusé de venir en aide surtout que Me Najib Hosni persistait dans son refus de tout financement étranger.

 

Dans pareille atmosphère, les points de friction se sont multipliés entre M. Ammar Mestiri,Secrétaire général et Me Najib Hosni, porte-parole du Conseil. M. Mestiri créait constamment des problèmes à telle enseigne qu'il avait été écarté "démocratiquement" (nous reviendrons sur cette question plus loin). L'état de tension et de crise financière a continué de perturber la vie du CNLT durant une année et quelques mois. La dette du Conseil s'est accumulée pour atteindre 9 mois de salaire que je n'ai pas reçu jusqu'à ce jour.

 

Avec le retour de Mme Sihem Bensedrine aux commandes, la situation financière du CNLT s'est améliorée. Nous recevions nos salaires entiers à la fin de chaque mois et, qui plus est, avec une augmentation de 50 dinars à partir du début de l'année 2007. Cependant, cette augmentation n'était pas due à un élan de générosité, mais au fait qu'elle avait appris que M. Rachid Khachchana, Rédacteur en chef du journal "Al-Mawkif", m'avait contacté pour me proposer de travailler avec lui comme secrétaire de rédaction. Elle avait alors rejeté catégoriquement une telle proposition alors que son mari lui chuchotait à l'oreille: "Sami a inventé cette histoire pour que tu lui accordes une augmentation de salaire comme tu as fait pour Lotfi Hidouri…" L'augmentation de 50 dinars a finalement été approuvée.

 

Mme Bensedrine m'a fait bénéficier d'autres occasions d'améliorer mon revenu en m'affectant au Groupe arabe d'observation des médias pendant les élections. A ce titre, j'ai participé à l'observation des médias pendant les élections tunisiennes d'octobre 2004 avec un groupe de travail international spécialisé en monitoring de la couverture médiatique des campagnes électorales, sous la direction de l'Institut de Soutien international des médias (IMS) et en collaboration avec la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), le Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT), l'Organisation arabe de liberté de la presse (APFW) et la Fondation de la société ouverte (OSF). J'ai eu ensuite l'expérience des élections égyptiennes de 2005 puis de 2006, des élections yéménites de 2006, et des élections bahreïnies de 2006. On m'a ensuite chargé d'organiser des stages de formation de la société civile en matière d'observation des médias pendant les élections. Ma première expérience dans ce domaine a eu lieu en Jordanie où j'ai formé des activistes de la société civile syrienne en 2007, puis des activistes de la société civile marocaine en 2007. Effectivement, notre participation dans le domaine de l'observation des médias a été pour nous une bonne occasion d'améliorer nos revenus. Mais, pour de multiples raisons, Mme Bensedrine envisagera de m'écarter du Groupe arabe malgré mon expérience plus étoffée que celle des autres membres dans ce domaine. L'une des principales causes de cette mise à l’écart aura été ma participation à la préparation d'un guide d'observation des médias. En effet, j'avais participé avec Mme Bensedrine à la conférence du Groupe arabe, tenue à Londres en juin 2006, au cours de laquelle j'avais été chargé avec elle et M. Motaz Al-Foujaïri du "Centre du Caire pour les études des droits de l'homme", d'élaborer ce guide. J'avais donc rédigé un projet préliminaire que j'avais envoyé à Mme Bensedrine et à M. Motaz Al-Foujaïri. Cette initiative rendra Mme Ben Sedrine furieuse car elle la prendra comme un empiètement sur ses prérogatives. Pour elle, j'étais tenu de demander son autorisation avant de rédiger n'importe quelle correspondance.

 

Financement du gouvernemental danois et enthousiasme pour la normalisation:

 

Vint alors la Conférence du Caire du Groupe arabe, à laquelle j'ai participé avec Mme Bensedrine. Le représentant de l'IMS (organisme de soutien international des médias) qui encadre le "Groupe arabe d'observation des médias, y déclarera que le financement fondamental de ce Groupe provenait du gouvernement danois (la même personne a fait cette même déclaration en octobre 2009 au siège de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), alors que les statuts du CNLT refusent les financements gouvernementaux et que notre participation à nous deux se faisait au nom dudit Conseil. Par ailleurs, il y avait, parmi les participants à cette conférence, une activiste israélienne. Au cours du débat, celle-ci proposera l'observation des médias israéliens pendant les élections israéliennes. A mon grand étonnement, Mme Sihem Bensedrine s'enthousiasmera fortement pour cette idée et annoncera illico son plein accord. Or le danger –car il y en avait un à mon avis- de cette proposition résidait dans le fait que, lorsque nous surveillons les médias d'un Etat quelconque en période électorale, l'organisation (ou les organisations) avec laquelle (ou lesquelles) nous traitons dans cet Etat devient (ou deviennent) automatiquement membre(s) du Groupe arabe. En conséquence, des organisations israéliennes pourront devenir membres avec nous au sein du Groupe arabe et pourront ainsi participer normalement à l'observation de nos élections. Or une telle participation est contraire à la position arabe concernant les relations avec Israël que ce soit au niveau des gouvernements ou à celui des peuples.

 

Mme Bensedrine avait exprimé, avec beaucoup d'agressivité, son refus de coordonner l'action avec une organisation jordanienne spécifique lors des élections prochaines (fin 2007). Or, j'eus la grande surprise de trouver des représentants de cette organisation –avec laquelle Mme Bensedrine avait refusé toute forme de coopération- parmi les participants au stage de formation que nous avons organisé au Maroc à l'intention des activistes de la société civile du Maroc en vue de la surveillance des élections législatives dans ce pays.

 

C'est à ce moment-là que le différend a commencé à s'exacerber jusqu'à l'humiliation. En effet, l'un des Jordaniens s'était mis à quitter fréquemment la salle pour rejoindre une délégation de l'Ambassade de Jordanie afin de lui rapporter tous les détails du stage. Pire encore, j'ai eu la surprise de voir que l'un d'eux était en train de fouiller mon porte-documents et mes effets personnels. J'ai aussitôt contacté M. Osama Al Habbabi, représentant de l'IMS qui encadre le Groupe arabe et lui ai exprimé ma vive protestation contre ces deux participants. M. Habbabi les avait alors contactés à son tour, pour s’entendre dire : Sami est trop nerveux avec nous et ne cesse de crier après nous. Ils étaient allés jusqu’à prendre à témoin un membre du Groupe arabe qui avait naturellement témoigné contre moi du moment qu’il était lié avec les Jordaniens par des intérêts communs de corruption trop longs à expliquer dans ces pages. Bref, Mme Bensedrine me contactera par téléphone proférant les grossièretés les plus humiliantes sans me donner la moindre occasion de lui expliquer ce qui s'était vraiment passé. J'ai alors appris qu'elle avait décidé de me renvoyer du Groupe arabe. En effet, mon expérience au Maroc fut la dernière dans le cadre du Groupe. Mme Bensedrine me privait ainsi de la possibilité d’étoffer davantage mon expérience autant qu’elle me privait de l'occasion d'améliorer mon revenu. Elle ira jusqu’à proposer, au cours de la réunion de Jordanie fin décembre 2007, d'autres noms pour prendre ma place en tant qu'experts internationaux en matière d'observation des médias bien qu'ils ne possèdent aucune expérience antérieure dans ce domaine.

 

Quiconque pense différemment que Mme Bensedrine est forcément "un flic":

Lorsque je suis devenu membre du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT), je ne connaissais pas suffisamment la société civile. J'étais membre de l'organisation Amnesty International, où j'occupais le poste de Coordinateur du réseau de la jeunesse. Je ne connaissais de ce monde que ce qui avait trait à Amnesty International ou au mouvement estudiantin. La première chose que m'ont apprise Mme Ben sedrine et son mari aura été de me méfier beaucoup de quelques symboles de la société civile. "Untel est un flic, unetelle est un flic, disaient-ils, vous devez vous méfier d'eux". Au fil des jours, la liste des "suspects", accusés de flicage du point de vue de Mme Bensedrine, devenait de plus en plus longue, de sorte que je n'arrivais plus à les compter. J'étais en effet l'élève sérieux et fidèle à ses instructions, et je prenais tout ce qu'elle me disait d'eux pour argent comptant. J'évitais tous ceux dont elle mettait en doute l'intégrité, et, d'une manière consciente ou inconsciente, j’étais devenu une copie conforme d'elle. J'ai hérité d'elle ses amis et ses ennemis, aimant ceux qu'elle aimait et détestant et haïssant ceux qu'elle n'aimait pas ou haïssait, même si je n'avais eu aucun rapport avec eux auparavant, et quoique je ne les avais jamais connus ou rencontrés, tels M. Sami Ben Abdallah, Sami Ben Gharbia, Abdelwaheb El Hani, Chokri Hamrouni et bien d'autres encore.

Le devoir de présenter des excuses…

 

J'ai éprouvé un sentiment extraordinaire de libération en écrivant ce mémoire…une joie profonde due au fait que j'avais enfin brisé le mur du silence qui m'avait tourmenté pendant presque deux ans, et à l'occasion qui m'était à présent donnée de présenter publiquement mes excuses pour avoir été injuste à l'égard d'un certain nombre de personnalités et de symboles du mouvement des droits de l'homme, de la politique et des médias dans notre pays. Ce sont des personnes contre lesquelles j'avais de la rancune et dont j'ai contribué à ternir l'image tantôt par des apartés ou dans des réunions privées, tantôt par mon silence. Chaque fois que je les voyais, à n'importe quelle occasion, j'évitais de leur parler de peur d'être la cible des procureurs de la pensée unique que sont Mme Bensedrine et son mari.

 

Je me souviens d'un incident qui continue de me causer de la peine jusqu'à ce jour. En janvier 2007, j'avais reçu du Centre d'études du Caire sur les droits de l'homme, une invitation à participer à un colloque organisé par ce Centre en collaboration avec les Nations Unies autour du thème: "Les défis et priorités de réformer l'information dans la région d'Afrique du Nord". Une invitation semblable av